[Bilan] [Déroulement]
[Mon témoignage personnel]
L'actualité a hélas mis le Honduras sur le devant de la scène en Novembre dernier, lors du passage de l'ouragan Mitch. Evidement, j'y étais...
Bilan :
Le bilan fut dramatique, et particulièrement une
fois remis à l'échelle du pays : 5567 morts et 8058 disparus,
près de 3 millions de sinistrés, des pertes estimées
à 6 milliards de dollars, un très grand nombre de maisons
et d'infrastructures détruites, et 80 % du pays touché...
L'Amérique Latine n'avait pas connu de catastrophe d'une telle ampleur
depuis 200 ans !
Déroulement :
L'ouragan Mitch a débuté vers le 22 Octobre 1999 comme une dépression tropicale dans la mer des Caraïbes. Montant très rapidement en puissance, il a tout d'abord ravagé l'extrême Nord du Nicaragua et la côte caraïbe du Honduras, et tout particulièrement l'île de Guanaja. Puis son parcours s'est infléchi de 90°, et il a piqué plein Sud sur Trujillo.
Entrant dans les terres, la force des vents a rapidement décru, mais les précipitations sont restées à un niveau tout à fait considérable. La phase suivante, de tempête tropicale selon la terminologie météorologique, fut en fait la plus destructrice, d'autant qu'elle avançait plus lentement, s'acharnant sur les zones traversées.
La tempête s'est dirigée sur Tegucigalpa où elle a provoquée crues, inondations et glissements de terrains comme jamais cela ne s'était vu dans la région. La zone concernée s'est étendue jusqu'à l'Ouest du Nicaragua, où les dommages furent terribles également. Ces deux pays n'étaient nullement préparés à pareille catastrophe, d'autant que le comportement ératique et violent de l'ouragan a surpris tous les météorologues.
La tempête a ensuite longée la frontière
avec le Salvador, traversé le Guatemala, puis a encore infléchi
sa trajectoire pour remonter le long du Yucatan, et mourrir dans l'Océan
Atlantique après avoir survolé la Floride le 5 Novembre.
Mon point de vue :
J'étais dans Choluteca lorsque
les pluies torrentielles ont débutées. Leur persistance a
rapidement inondé toutes les routes. Il était grand temps
de rentrer sur San Lorenzo. Trouver une sortie praticable n'était
guère facile. Il fallait laisser passer les véhicules tout-terrain
pour estimer la profondeur des flaques et la possibilité de franchissement.
Une fois dans San Lorenzo, il fallu
trouver un lieu sûr et en hauteur pour le véhicule. Des sacs
de sable à l'entrée de la maison permirent de limiter les
entrées d'eau. Puis un camion est passé, évacuant
les gens vers une maison solide située plus en hauteur. Le temps
de charger les objets de valeur et nous quittions la maison, dans la nuit,
sous une pluie battante, avec de l'eau jusqu'aux cuisses dans un fort courant.
Ainsi, nous avons passé la nuit assis, trempés, à
une quinzaine de personnes dans une petite pièce où seuls
les enfants avaient la place de s'allonger, à même le béton.
Mais la tempête passait en nous épargnant.
Plusieurs jours furent consacrés
à se rendre compte de l'étendue des dégats : toutes
les communications (ponts, routes, téléphone) coupées,
certains quartiers périphériques emportés... De nombreux
morts, tout le monde désemparé devant un tel cataclisme.
Les difficultées nous concernant furent de trouver les quelques
denrées en vente, et de s'habiller de vêtements pas trop mouillés.
Et nous avions été relativement épargnés, le
centre de San Lorenzo ayant nettement moins souffert que les environs.
L'eau avait peu envahi du fait de l'absence de cours d'eau proches et s'était
vite évacuée dans la mer. L'électricité s'est
interrompue peu de temps grâce à la proximité de la
centrale. Le bataillon, la municipalité et les mouvements religieux,
appuyés par la population, sont rapidement intervenus au profit
des plus démunis. Malgré des moyens limités, il a
été possible de réconforter les plus durement éprouvés.
L'aide un peu plus importante,
la nourriture et la couverture par les média a du attendre la réouverture
provisoire de la route vers Tegucigalpa, interrompue par la destruction
de la rampe d'accès au pont de Pespire.
Un paysage de désolation, la plupart des maisons de terre ont été totalement détruites, les familles se retrouvant du jour au lendemain avec le peu qu'elles ont pu sauver. La population trouve refuge dans les églises, les écoles, chez des amis ou des parents. Nul ne sait combien de temps durera leur attente d'un nouveau toit.
Mais ceux-là ne se plaignent pas, Dieu les a gardé en vie.
Les secours s'organisent au mieux, aidés par un
grand élan de solidarité. Dans San Lorenzo, le P.C. de crise
est installé dans la bibliothèque, et comprend l'armée,
la municipalité et la Croix-Rouge. C'est là aussi que l'on
fait la cuisine pour les réfugiés, qui sont abrités
dans les écoles. Les véhicules réquisitionnés
font la ronde avec les différents lieux touchés.
La plupart des infrastructures du pays ont souffert, et tout particulièrement les ponts. On voit sur la photo le pont de Nacaome, un pont métallique totalement emporté par les flots. C'est une petite embarcation à moteur qui permettra aux personnes, à pied ou en vélo, de traverser.
Les ponts détruits, c'est l'impossibilité d'apporter les secours rapidement. C'est aussi toute l'économie du pays bloquée : arrêt des échanges commerciaux internes et avec les voisins (Salvador et Nicaragua). Les denrées alimentaires n'arrivent plus, maïs, haricots et viande manquent rapidement.
Des problèmes de santé apparaissent : les fleuves, chargés de boues et de cadavres (bétail mais aussi humains) contaminent l'eau de boisson et gorgent le sol d'humidité causant diahréees et champignons. Le choléra apparait aussi, malgré la surveillance des services de santé.
La reconstruction prendra des années, le pays estime
avoir fait un bond en arrière d'au moins vingt ans. De très
nombreuses familles sont abritées dans des conditions précaires
provisoires, chacun sachant ce que le provisoire signifie dans ces pays.
Les organisations internationales poursuivent leur action, et devront la
poursuivre longtemps encore. Même si les feux de l'actualité
se penchent vers d'autres malheurs, n'oubliez pas que pareille catastrophe
porte à conséquences beaucoup plus longtemps que ne dure
la pitié des gentils occidentaux surinformés (et de part
là même mal informés). Alors, si vous croisez dans
un supermarché un pamplemousse du Honduras, n'y voyez pas qu'une
source de vitamine, mais aussi le fruit du labeur d'un petit peuple fier
et éprouvé, si loin, là-bas...